The Perfect Lovers

The Perfect Lovers

La chronique d'Eddy Glanver

Dqwâ y cause çui-là ?

 

L'autre jour, un type genre hamster abonné aux Inrocks qui se tripote sur de la pop merdeuse anglaise, me pose la question : "le punk-rock, c'est quoi, au juste ?", et moi, qui avait 20 ans à la sortie de la pochette vinyl fluo rose-jaune de "Nevermind The Bollocks" et 35 à celle de la pochette CD bleue avec le bébé-nageur de "Nevermind", je suis resté scotché. J'ai rien trouvé à dire comme ça, tout de suite. A la place, je lui ai mis le dernier Sonny Vincent à donf et le type s'est barré en poussant des petits couinements affolés...

Le blaireau moyen, ça fait vingt ans et plus qu'il entend les anglais (Joe Jackson encore récemment) nous répéter que le rock est mort - on est bien d'accord, le rock ANGLAIS est mort, ils l'ont remplacé depuis longtemps par un fond sonore à passer quand on s'encule; et les deux seuls vrais disques de rock que mon hamster a acheté depuis Led Zeppelin, c'est Nevermind de Nirvana et Smash d'Offspring parce que la presse hurlait au séisme planétaire, mais il trouvait ça quand même un peu désordre.

... Bon, les p'tits gars, attendez, c'est pas parce que j'ai été voisin de lit de Dick Rivers à la maternité qu'il faut ricaner en me traitant de vieux radoteur. Je sais ! Lire des mots pleins de lettres c'est fatiguant. Mais n'oubliez pas qu'il faut écouter les papy avant qu'ils crèvent et que travailler du cerveau, ça fait tenir les oreilles droites. Et vous n'aimeriez pas avoir les oreilles qui tombent, n'est-ce-pas ?

Alors, voilà ! Qu'à l'approche de l'an 2000 soient réédités LE disque fondateur des Sex Pistols et un live des Clash, hé ben moi, ça m'interroge. Parce que le punk-rock, si vous vous souvenez, il était censé être No Future, Rage and Destroy, énergie foudroyante, mort-né, parfaitement résumé dans l'autodestruction  de Sid Vicious en 81. Après la mort de Rock le père, Punk le fils maudit s'était rasé la banane, s'était fait péter le bide à la bière, la tête au speed et les oreilles aux décibels.  Et tout d'un coup, il est là, ressuscité, affiché dans les Fnac, causant à la télé, presque clean, et les vrais fans de la première heure osent enfin ouvrir les portes de leur cédéthèque secrète, des milliers de groupes inconnus, rien que des labels indépendants, des tueries et quelques perles rares qui auraient, en leur temps, rélégué les Stones au rang d'honnête groupe de bal de campagne. Il n'y a qu'à voir la presse spécialisée française se réveiller depuis cinq ans et oser enfin parler du rejeton maudit : "In punk we trust" (Rock sound-nov95), "Dossier destroy" (Rock and folk-juillet96), "Punk : retour vers le futur" (Rock sound-fev97), puis les hors-série punk de Rock sound de ces trois dernières années. Curieux, non ?

Bon, ben, d'accord, mais...  c'est quoi le punk-rock ? Attends, attends. Ca vient. En tout cas, s'il est pas mort, on peut se demander ce que les Amerlos veulent nous refourguer sous ce nom là. Parce que, quand je lis des trucs comme : "Revoici surgir d'Amérique le punk-rock, toujours aussi déglingué, aussi mauvais coucheur, aussi radical. Le point sur un mouvement qui se trouve aussi être une affaire en or", ou : "Avec dix millions d'unités de l'album Smash écoulées dans le monde, Offspring, petit combo californien sans prétention, a réussi l'impossible. A côté, les Sex Pistols font figure de petite équipe de division d'honneur", et quand je vois que même ma grand-mère a acheté le dernier Blink 182, je me dis, là, il y a confusion des genres. Où est le nihilisme, le refus du système, des lois et de l'industrie du disque ? Qu'en est-il de cette indiscible rage primordiale ? De cette envie de hurler avec les doigts par murs d'amplis interposés ? Suffit-il de "renifler fort, cracher son glaviot, se curer le nez et se gratter les couilles devant l'assemblée" (U.S. Bombs), pour être punk ? Les américains n'essaieraient-ils pas de s'approprier le punk et de transformer le fameux slogan "Do il yourself" en variante du : "Connecte-toi sur la bourse, mec, et vends ton âme à l'argent" ? Alors qu'à l'origine  "Do it yourself", c'était : "n'importe qui peut faire du rock'n roll,  prends ta guitare, mets tes tripes derrière, et gonzo ! Si t'es trop nul pour la guitare, on te mettra à la basse, et si t'es vraiment à chier, c'est toi qui chantera".  Le vrai punk n'a que foutre de vendre ses disques. Quand il fait un concert, il ne donne même pas l'adresse. On se dirige au bruit. Depuis qu'il a montré qu'il était capable de faire de la thune, le système ouvre les bras au punk. Pire, on peut se demander si ce libéralo-capitalisme de merde ne veut pas se faire passer pour un néo-punk qui aurait remplacé le désespoir de "no future" par le cynisme et la désinvolture de "après moi le déluge". Voilà bien encore un des problèmes du mouvement punk : il a toujours été infiltré par de épaves et des fachos masqués. Ces gros cons de skin ont commencé à rappliquer lorsque Siouxsie, la chanteuse des Banshees, s'était mis un brassard nazi pour déconner. Et les clous, les tatouages, les coiffures iroquoises fluo... N'oublions pas que le punk-rock est né dans une boutique de fringues sado-maso de King's road, dont le machiavélique propriétaire, Malcolm Mac Laren, n'avait voulu, au départ, que recréer, à Londres, l'ambiance crade du CBGB et le mauvais goût des concerts déjantés des New York Dolls dans ce pub mythique de Manhattan.

On (les intellos) a dit que le punk-rock, c'était trois accords, OK, on a dit ça aussi du rock, et du blues, alors on a dit que c'était toujours les mêmes accords, mais plus vite et plus fort pour masquer les plantages. Un peu réducteur, non ? Et puis c'est même pas vrai ! Des fois, il y en a quatre, et même cinq, d'accords. D'autres, ils ont dit que les punk, c'étaient des mecs minables, des junkies tout juste bon à finir au fond d'un caniveau. Mais je connais plein de mecs qui ne peuvent plus écouter QUE cette musique, qui savent se mettre minable quand il faut et qui, le reste du temps, ont l'allure d'honnêtes employés de banque. Alors, docteur Jekill et mister Hyde, le punk ? Il y a un peu de ça, ouais, comme deux jumeaux inconsolables que maman rock'n roll aurait accouché en mourant. Le premier, rebelle qui a repris l'héritage en le bourrant d'énergie haineuse, le deuxième, psychopathe qui s'est mis des épingles à nourrice dans le nez, s'est peint des croix gammées sanglantes sur le torse, et est descendu dans la rue pour chier sur le trottoir en réclamant l'apocalypse.

A ce propos, il est extrêmenet intéressant de lire ce que disait le célèbre critique de rock new-yorkais, Lester Bangs, mort en 82 à l'âge de 33 ans : "Toute cette histoire de punk-rock... J'ai pratiquement inventé le terme à moi tout seul. Bullshit total d'emblée. Pur taudis. Les punks, les vrais, les vrais de vrais, ne seront jamais jamais jamais considérés comme des punk. Ce ne sont que des mots. Ces soit-disant punks ne savent pas de quoi ils parlent. Le sado-maso... Pffff! Ultime culpabilité face au sexe". Et, plus loin : "Qui serait un vrai punk ? Wayne Kramer ! Je parle ici d'un mec qui jouait de la guitare dans le MC5 originel. Il avait une veste en lamé or. No shit. Un jour, il se fait coincer dans un deal de cocaïne de merde. Donc Wayne va au placard et ce journaliste de Detroit l'interviewe sur le chemin de la prison. Que dit Wayne Kramer ? Il dit : "Humm... Voilà bien le genre de petit problème que doit affronter un jeune homme de nos jours". Putain, ça c'est punk. C'est putain de punk. Il est ce qu'il est et il le dit comme il le vit. Point barre." Quel résumé formidable des contradictions de l'époque ! Ce type là, Lester Banks, invente le mot punk, qui veut dire : vaurien ou, pire, celui qui, en taule, est sexuellement soumis, et parallèllement laisse entendre clairement que c'est une éthique, un comportement d'aristocrate nihiliste. Ca rejoint ce que disait Paul Cook, des Sex Pistols :" S'il n'y a jamais eu une éthique punk, c'était : soit honnête envers toi-même quoi qu'il arrive", et Joe Strummer, des Clash : "D'une certaine manière, le punk n'a jamais été une affaire de musique. Seule l'attitude définit ce qui est punk."

Pour finir, écoutons Patrick Eudeline, un dandy-punk des premiers temps : "Nous aimions le rock'n roll comme un serial-killer son innocente victime. Nous massacrions les hits défunts, par rage de nous les approprier. Toujours entre deux gouffres. Oui, Burroughs, la légende des Stones, des Stooges, les échos warholiens... Plus ou moins consciemment, nous jouions avec tout cela... Le plus drôle, bien sûr, était de survivre." Superbe non ?

Bon, d'accord, mais le punk-rock, dans tout ce fatras, c'est quoi, merde, à la fin ? Ho, fais pas chier, toi, ferme un peu ta mandibule, mets-toi du bon scandinave dans les oreilles et écoute ! Si ton âme est pure, tu entendras battre le cœur du rock'n roll.



12/07/2010
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